Je suis né au Chili
La banane anana
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Dans les années 1960, Lapointe et Brassens enchaînent les tournées et les récitals. Boby ouvre un café concert rue de la Huchette : Le Cadran Bleu, mais son côté fantasque (il a mis, par exemple, une pointeuse à l'entrée) lui fait commettre des erreurs. La faillite survient rapidement. Brassens le secourt en épongeant une partie des dettes et l'aide à trouver des petits boulots pour vivre. Le directeur des programmes d'Europe 1, Lucien Morisse, intervient pour qu'il signe un contrat chez les disques AZ. Mais la période yéyé a commencé et le style musical de fanfare sur lequel toutes les chansons de Lapointe sont basées ne fait plus autant recette, ni sur les ondes, ni dans les bacs.
"On était de la même famille, confiait Brassens. Son goût de l'absurde nous rapprochait. Moi, je l'ai aussi. Je le montre moins dans mes chansons que lui ne le fait, mais je l'ai dans la vie... C'est un langage qu'il a inventé, une façon de faire chanter, de faire danser les mots, qui est tout à fait personnelle et que personne ne pourra jamais imiter ailleurs ..."
Une pudeur qu'on prit trop souvent pour de la naïveté, et un créateur qui ne fut réellement reconnu du grand public qu'après sa disparition prématurée, à cinquante ans en 1972. Il faudra attendre la sortie du fameux coffret de son intégrale en 1976 pour que ce roi de la chanson-gag, "poète de l'herbette et du jeu de mots laid", "l'amidumididesmots" qui, d'Alhambra en Bobino, chantait en tressautant et en scandant le rythme avec ses bras, soit enfin pris au sérieux, comme l'humoriste grave qu'il était.
Le second degré serait-il un genre maudit en chanson, "art mineur pour des mineures" selon le mot d'un autre jongleur de mots ?
Boby avait, ce qui ne gâte rien, un authentique amour de la langue française: "Je ne veux que du bien aux langues de tous pays, et à celle que je connais le mieux, le français, qui est si riche, si vivante et si renouvelée que je ne comprends pas pourquoi des gens qui pourtant changent de chemise tous les jours se servent si longtemps des mêmes clichés qu'ils trempent dans toutes les sauces.
Ces négligés de la glotte ignorent les plaisirs des jeux de mots dans cette langue dotée de tout temps de redondances que tout peut traduire en allitérations, calembours et autres fientes de l'esprit (disait Victor qu'était scatologique)".
Boby apparaît pour la dernière fois sur scène, à Bobino, en décembre 1971
Victime d'un cancer, il meurt à cinquante ans (le 29 juin 1972) à Pézenas. entouré des siens. Il n'aura enregistré qu'une cinquantaine de chansons, mais leur diffusion continue car il n'a pas été remplacé dans son registre indémodable.
Car, après des débuts "confidentiels", ses chansons n'ont cessé de réunir des adeptes. Un CD hommage, Tutti Frutti, leur a d'ailleurs été consacré lors du 30ème anniversaire de sa mort.
Aujourd'hui, "La maman des poissons" ou "Ta Katie t'a quitté" ... sont passées dans les moeurs et les programmes, radios et même... scolaires, devenant quasiment des comptines pour 7 à 77 ans (c'est d'ailleurs par ce moyen, la chanson pour enfants, qu'il pénétra dans les familles). Et elles "sonnent actuel" tant leur écriture est moderne, avec, derrière la parfaite mécanique des mots, un authentique sens du rythme et de la dérision plus que jamais dans l'air du temps.